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> Le Vin Jaune de 1774 - Intervention de Roger Gibey à notre AG du 27.10.18


Roger GIBEY, ancien maître de conférences à la faculté de médecine de Besançon et directeur du laboratoire d’analyse du CHU nous a parlé de ce fameux Vin Jaune de 1774. C’est la 2e fois qu’il assiste à une AG du RVJ, la 1ère c’était en 1989 lors de la création de la confrérie. Ces dernières années, il a eu le privilège de déguster deux fois des Vins Jaunes de 1774 – des moments mémorables - d’autant plus si on pense qu’ils proviennent de vignes plantées sous Louis XIV, récoltées sous Louis XV et mis en bouteilles peut être sous la 1ère République.

Il y a 20 ans, Robert AVIET avait acquis une bouteille de vin jaune de 1774 lors d’une des premières Percées du Vin Jaune. C’est un vin prestigieux, vendu aux enchères à des prix faramineux.

Depuis quand sait-on faire du vin jaune et quelles en sont ses caractéristiques ?

  • Le terroir, défini par la géologie du sol : les marnes du lias, de l’ère secondaire
  • Le cépage : le savagnin, qui a une origine sauvage, dans les forêts du Jura
  • Les levures, également très anciennes, venant sûrement de Mésopotamie, qui ont émigré dans le monde entier et qui se sont adaptées au terroir.

Il faut ajouter le tonneau à ces 3 spécificités, qui a été inventé par une peuplade des Grisons et qui fut introduit en Gaule par les Romains en 50 avant JC.

Pendant longtemps on n’a pas fait de Vin Jaune, et on associait savagnin et chardonnay. En 1734, comme en Champagne, on a commencé à faire un mousseux très sucré avec le seul savagnin, car le savagnin avec sa peau très épaisse, peut « surmaturer » et être vendangé à l’automne après les premières gelées . On s’est ensuite aperçu que ce mousseux perdait son caractère très sucré au bout de quelques années, 10-15 ans voire 20-25 ans. Immobiliser les fûts aussi longtemps prouve bien que ce n’est pas un vin de pauvres.

En 1774, un certain Anatoile VERCEL immobilisa sa récolte de savagnin. Son fils Jean-Claude procéda à la mise en bouteilles, dans des bouteilles de mousseux de 80 cl produites à la verrerie de la Vieille Loye à coté de Dole. Ce n’étaient pas encore des clavelins qui furent conçus quelques années plus tard. Et ses deux fils, Albin et Jules, héritèrent de ces bouteilles. Jules se maria à Poligny, où on retrouva en 1996 deux bouteilles qui furent vendues aux enchères. Du côté d’Albin, on suit mieux l’histoire du prestigieux breuvage, avec un certain commandant GRANT qui hérita de 40 bouteilles, lesquelles revinrent ensuite à sa filleule, puis au Dr MILLET. Celui-ci organisa en 1992 une dégustation avec Gault et Millau, et ces experts qualifièrent le vin jaune de « splendeur ». Deux ans plus tard, une 2e bouteille fut ouverte pour être dégustée et analysée en profondeur. On a trouvé une forte teneur en acide volatile, avec 4 gr/l de sucre, ce qui donne un goût initial de vin de paille. Et on regrette que des levures de cette époque n’aient pas été conservées, pour pouvoir être utilisées actuellement.

Tout cela a fait que les acheteurs savent aujourd'hui ce qu’il y a dans ces bouteilles, lorsqu’elles sont vendues aux enchères. Le record des ventes a été atteint ce printemps lorsqu’un Américain a acheté une bouteille de vin jaune de l’héritage de Jules pour 85 000 euros, soit 110 000 euros avec les frais, lors des enchères de Lons-le-Saulnier.

Questions-réponses :

  • On ne change pas les bouchons, mais la cire.
  • Le niveau de ce vin jaune de 1774 est remarquablement haut. Chevalier de Poligny décrit la vendange de 1774 avec une maturation fantastique à l’automne, alors que jusque là les grains étaient très petits.
  • Ces vins jaunes de 1774 sont restés dans la confidentialité d’une famille. On ne sait pas si d’autres familles en faisaient aussi.
  • C’est Pasteur qui le premier a montré que le vin jaune pouvait se conserver grâce au voile.
  • Si ce vin jaune de 1774 s’est conservé si longtemps, c’est qu’il avait en lui-même tout ce qu’il fallait. Un bon vin jaune contient en lui-même les bons éléments qui assureront sa conservation, notamment l’alcool. Mais il ne faut pas bouger les bouteilles, et les conserver à environ 15°.
  • Les vins jaunes sont actuellement soumis à des analyses d’éthanal. Dans le Jura, on compte entre 20 et 22 000 analyses d’éthanal par an.
  • Que deviendront les vins jaunes actuels dans 100 ans ? Cette année 2018, la récolte est exceptionnelle, aussi bien en qualité qu’en quantité. C’est peut-être aussi un enchaînement après une année de gel. Si des raisins sont laissés sur pied, c’est par manque de fûts et à cause des quotas, que les vignerons aimeraient ramener à des moyennes quinquennales.

Publié le 08/11/2018