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> Une dégustation verticale des produits du domaine Pêcheur à Darbonnay


Pour la confrérie du Royal Vin Jaune, la rentrée de septembre s’est concrétisée par une dégustation (que l’on désigne sous le terme de « verticale ») de quelques millésimes d’un même domaine, à savoir celui de Patricia et Christian Pêcheur à Darbonnay. Pour mémoire, un vin de ce domaine, un Côte du Jura Jaune de 2002 qui figurait au programme de la soirée, avait été élu coup de cœur de la confrérie en 2012. Les participants ont donc gouté dans l’ordre un cru de 2005, puis un 2003, ensuite le 2002 évoqué ci-dessus et enfin un 1998. Cette dégustation était animée par Michel Converset qui a su expliquer aux consœurs et confrères présent les différences entre ces années résultant essentiellement des conditions climatiques. Le 2003 par exemple, né l’année de la canicule, montre plus de rondeur que le 2002. Ces vins travaillés de la même manière offrent des variations étonnantes, dont quelques-unes sont dues au vieillissement bien entendu mais pas seulement. Le 2005, s’il est prometteur doit encore garder la bouteille quelques années pour atteindre une maturité plus aboutie. Michel Converset expliquait qu’en règle générale, un vin doit compter un nombre d’années de bouteille équivalent à celui de son vieillissement en futs. Un vin Jaune doit être par conséquent ouvert à un âge minimum de douze à treize ans.

Pour le plaisir, ci-dessous le compte rendu de cette dégustation rédigée par notre ami David Russier. Une poésie des sens !

Côtes du Jura 2005, Domaine Pecheur, Darbonnay

 -L’œil : Vin très limpide, robe de couleur or avec de beaux reflets bronze.

-Le nez : Premier nez fin et élégant. Deuxième nez légèrement boisé, quelques notes de vanille Bourbon mais dominante très nette sur les fruits jaunes, mirabelle notamment.

Ce deuxième nez complexe et plus prononcé témoigne que le vin s'ouvre. Il est à noter l'absence totale d'acidité volatile (la piqûre acétique) malgré la durée d'élevage du vin jaune en fût (jamais neuf pour le jaune) grâce au voile protecteur de levure qui protège le vin et lui confère un caractère oxydatif maîtrisé (on ne parle pas de vin oxydé, là ce serait un défaut, mais bien de vin au caractère oxydatif, ce qui est totalement différent).

Michel note ensuite l'arrivée de notes anisées très fines sur le fenouil ou la badiane.

- La bouche : En bouche, le vin surprend certains par sa grande vivacité. C'est un millésime jeune pour un vin jaune, aussi il est normal que l'acidité domine, néanmoins il demeure équilibré grâce à la chaleur amenée par l'alcool. Si l'acidité domine, le gras de l'alcool rend la bouche particulièrement plaisante et ouvre la voie à de beaux et nobles amers en fin de bouche.

2005 est un millésime de subtilité, d'élégance et de grande garde. Ce vin en offre un parfait témoignage. Le soleil en août, réputé pour donner la qualité au moût, a été bien présent cette année-là et la vigne n'a connu aucun stress hydrique au printemps. Si ce vin n'est pas encore harmonieux vu sa jeunesse, il en offre cependant de saisissants préludes. Ce vin est à attendre encore quelques années pour arriver à une harmonie qu'on devine grandiose au vu de ce qu'il offre déjà dans sa prime jeunesse.

 Côtes du Jura 2003, Domaine Pecheur, Darbonnay

- L’œil : L'œil est séduit immédiatement par une belle couleur ambrée assez soutenue, avec de beaux reflets orangés. La paraison du verre dévoile des larmes, signe de la richesse de l'alcool dans ce vin, ou plus exactement de la présence de glycérol.

- Le nez : Le premier nez est assez peu disert, il faut attendre le deuxième nez pour voir le vin s'ouvrir sur des notes de fruits secs bien présentes. Arrivent ensuite des senteurs plus confites sur le raisin de Smyrne. D'aucuns des membres du Royal Vin Jaune seront séduits plus facilement par ce nez qu'ils qualifieront de plus "séduisant" que le millésime précédent. Quelle belle palette aromatique offre le vin jaune fait remarquer Michel.

- La bouche : La bouche, à l'image du nez, dénote avec le vin précédent. L'effet du millésime de la canicule est patent : bouche ronde, sphérique, sur la chaleur mais avec une belle fraîcheur qui vient sous-tendre l'ensemble avec bonheur et enlève à ce vin toute lourdeur. Si 2003 a donné un millésime atypique en raison de la chaleur car la maturité alcoolique du raisin était atteinte, en revanche pas nécessairement la maturité phénolique, ce qui peut donner quelques notes végétales, mais pas sur ce vin là ou alors est ce à peine notable. Une très belle longueur flatte longtemps le palais pour se terminer sur de subtiles notes d'écorces d'oranges amères. La présence de tanins (car il y en a dans le jaune) confère une structure à ce vin. Ce millésime peut se goûte agréablement dès à présent. 2003 ne sera pas un vin de grande garde, aussi profitons dès maintenant et sans trop attendre ce millésime

 Côtes du Jura 2002, Domaine Pecheur, Darbonnay

 - L'œil : couleur or avec des reflets à peine plus foncés, mais toujours avec une belle brillance et une belle limpidité.

- Le nez : Le premier nez est marqué par des notes de gentiane. Le nez, très expressif, évolue sur une belle fraîcheur avant d'arriver sur la mirabelle.

- La bouche : La bouche confirme le nez. Le côté racinaire de la gentiane dévoilé au premier nez se révèle, la fraîcheur est présente grâce à une belle acidité plus présente que sur le millésime précédent. Vivacité, fraicheur et équilibre sont les trois piliers de ce jaune qui, s’il a un peu moins de matière que le 2003, se boit très agréablement avec une finale sur des notes iodées et d'amande amère. Le silex se profile et laisse deviner un côté minéral propre habituellement au grand savagnin sur marnes bleues dont le Château Chalon offre la plus parfaite expression.

2002 est un millésime aimable, souple et élégant et confère à ce jaune un côté plus "Château Chalon" que "Côtes du Jura".

Sur le verre vide (qu'il faut toujours humer pour avoir une projection du vin à cinq ans et dix ans pour les jaunes), arrivent des notes de fruits jaunes mûrs, de fleurs séchées, de fenaison et de propolis qui confirme la complexité présente dans ce vin.

 Avant de déguster le dernier millésime de cette verticale, il est décidé de revenir sur le 2005 à présent que les palais se sont confrontés à plusieurs millésimes et se sont faits progressivement. Le millésime 2005 marque cette fois par le nez très marqué par l'éthanal, qui est, avec le sotolon, l'un des deux marqueurs des vins jaunes. Cette fois, l'ensemble des dégustateurs du RVJ ne trouve plus l'acidité aussi marquée que précédemment, et qui avait pu surprendre certains en début de soirée. Les notes anisées notées lors de la première dégustation se trouvent de manière plus évidente et les palais se régalent de ce vin qui confirme que le premier vin dégusté est toujours jugé bien sévèrement. Son caractère et son potentiel sont salués par tous.

 Côtes du Jura 1998, Domaine Pecheur, Darbonnay.

 Ce millésime a été généreusement offert par le viticulteur spécialement pour cette dégustation verticale organisée par le Royal Vin Jaune.

Comme toutes les années en "8", 1998 est marquée par une belle trame acide.

 - L'œil : superbe couleur vieil or

- Le nez : cette fois, ce sont les bouquets qui s'expriment sur des arômes tertiaires : feuille humide, sous-bois, humus, morille. Le vin est sur la réserve, il est moins explosif que ses plus jeunes frères dégustés peu avant, mais les notes sont plus subtiles et délicates.

- La bouche : La bouche confirme le nez. Vin avec une légère fermeture sur la vivacité. Les jolis fruits des millésimes plus récents ne sont plus là et ont cédé la place à des bouquets fins. Les fruits secs, la noisette et l'alcool de prune sont les notes dominantes. La trame du vin est vive et élégante ; elle offre une vraie harmonie avec l'alcool malgré peut être une présence de l'alcool dominant à peine l'acidité. On retrouve en bouche également les arômes tertiaires avec du champignon sec, de la morille et même de superbes notes dignes des plus fins whiskies des Lowlands.

Ce vin appelle la gastronomie de manière encore plus prégnante que les précédents, un crustacé, un poisson crémé seraient des mets de choix sur un tels vins.

 Les alliances gastronomiques du vin jaune sont larges : du traditionnel poulet aux morilles, il s'alliera superbement avec les poissons au beurre blanc citronné. Le vin jaune s'alliera aussi magnifiquement avec les cuisines exotiques, indienne, avec les plats au curry, orientale (tajine) ou encore asiatique.

 En synthèse et en conclusion de cette verticale : 2005 est un très grand millésime qu'il convient d'attendre, 2003 offre une rondeur qui permet de le savourer dès à présent, 2002 se situe entre les deux précédents et s'il se goûte très bien maintenant, il se boira très bien aussi dans les dix années à venir. 1998 quant à lui est assurément un vin de grande gastronomie.


Publié le 18/09/2016